Non, Monsieur le ministre, l’Internet est un DROIT

1 décembre 2023 4 min(s) pour lire
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Face à la presse, jeudi 30 novembre 2023 pour évoquer les grandes lignes du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a été interpellé notamment sur la restriction de l’accès à internet et aux réseaux sociaux en Guinée. Et la réponse de Ousmane Gaoual Diallo a étonné plus d’un : « L’internet n’est pas un droit », a-t-il déclaré. Mauvaise foi ou ignorance ?

Si jusqu’en 2010, on pouvait tenir un tel débat, aujourd’hui c’est carrément impossible et même ridicule. Mais venant de ce ministre, ce n’est vraiment pas surprenant. L’homme est connu pour ses sorties médiatiques ratées.

En effet, de nos jours l’accès à Internet (le réseau des réseaux) n’est plus considéré comme un simple droit mais plutôt un DROIT FONDAMENTAL. La raison est basique : la liberté d’expression, le droit à l’information, à l’éducation, à la santé et d’autres droits passent désormais par les réseaux.

Ce droit est même reconnu par les Nations Unies. Dans le paragraphe 1 de la « Résolution portant sur la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur Internet » du 27 juin 2016 , le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDHNU) « affirme que les mêmes droits dont les personnes disposent hors ligne doivent être aussi protégés en ligne, en particulier la liberté d’expression, qui est applicable indépendamment des frontières et quel que soit le média que l’on choisisse, conformément aux articles 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »

Dans le paragraphe 5, invite est faite aux États de mettre en place et de développer l’accès à Internet selon une démarche fondée sur les droits de l’homme et de faire des efforts pour combler le fossé numérique sous ses formes multiples.

La même résolution au point 9, « condamne sans équivoque » toutes les violations de droits de l’homme et les atteintes, notamment les actes d’intimidation et de harcèlement, que des personnes subissent pour avoir exercé leurs droits de l’homme et leurs libertés fondamentales sur Internet.

Et c’est le point 10 qui est encore très précis. La résolution « condamne sans équivoque les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou à la diffusion d’informations en ligne, en violation du droit international des droits de l’homme, et invite tous les États à s’abstenir de telles pratiques et à les faire cesser. »

On ne peut être plus explicite. Mais mieux, en 2016, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté la résolution sur le droit à la liberté d’information et d’expression sur Internet en Afrique, dans laquelle elle « engage les États parties (y compris la #Guinée) à respecter et à prendre des mesures législatives et autres pour garantir, respecter et protéger le droit des citoyens à la liberté d’information et d’expression par l’accès aux services de l’Internet. »

Je termine donc avec un exemple, pour faire comprendre au ministre Gaou, la dimension droit fondamental de l’accès à internet. En janvier 2016, dans l’affaire « Kalda vs Estonie », la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné l’Estonie parce que Roméo Kalda, détenu à la prison estonienne de Tartu s’était plaint du refus des autorités de lui donner accès à certains sites internet, ce qui l’aurait empêché d’effectuer des recherches juridiques. La CEDH a donc estimé que le droit à l’information du requérant avait été violé.

Bref, il faut dire au ministre Ousmane Gaoual Diallo de se mettre à jour. Un porte-parole du gouvernement ne dit pas n’importe quoi.

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