Lors d’une interview accordée à TV5 Monde le 19 mai 2024 à Kigali, en marge de sa participation à l’Africa CEO Forum, le Premier ministre guinéen a annoncé la suppression de plusieurs établissements publics à caractère administratif (EPA). « Sur 277 EPA, nous allons ramener ces EPA à un nombre qui avoisine simplement les 98 ou 99 », a-t-il déclaré. De nombreux Guinéens ont salué l’annonce de cette initiative, estimant qu’elle permettra de mettre fin aux pertes financières au sein de ces structures et d’optimiser les ressources de l’État.
En effet, il est important de noter que la création de ces structures a souvent été entachée de pratiques telles que le copinage, le favoritisme et le népotisme. De plus, certaines de ces entités semblent faire double emploi avec les départements ministériels, tout en bénéficiant de subventions importantes sans pour autant avoir un impact significatif.
Le 3 juin 2024, le Premier ministre a transmis le résultat du travail de rationalisation des EPA au Secrétaire Général et au Directeur de Cabinet de la Présidence de la République. Ce travail a été réalisé par des cadres des ministères du Budget, de l’Économie et des Finances, du Secrétariat général du Gouvernement et de la Primature.
Une travail qui semble incomplet
Conformément à ce document, 86 EPA ont été retenus parmi les 177 initialement identifiées. Ce qui soulève certaines interrogations. Premièrement, pourquoi la commission n’a-t-elle pu identifier que 177 EPA sur les 277 initialement annoncées par le Premier ministre ? Deuxièmement, que sont devenues les 100 autres EPA non identifiées ? Troisièmement, pourquoi l’essentiel du travail ne porte-t-il que sur les EPA dont la création est antérieure à l’avènement du CNRD ? Ces questions nécessitent des éclaircissements pour une meilleure compréhension du processus d’identification des EPA.
D’après nos recherches, nous avons découvert que certains établissements publics, notamment des régies financières qui relèvent de la présidence de la République, n’ont pas été examinés par la commission ou n’ont pas été identifiés. Sans être exhaustifs, nous pouvons citer l’Office Guinéen de Publicité (OGP), l’Autorité de Régulation du Secteur des Jeux et Pratiques Assimilées (ARSJPA), l’Office Guinéen des Chargeurs (OGC), l’Agence Nationale d’Aménagement des Infrastructures Minières (ANAIM), le Fonds d’Appui à la Promotion des Gaz (FAPGAZ), l’Agence Guinéenne de promotion des exportations (AGUIPEX), le Fonds de Développement Agricole (FODA), l’Observatoire National de la Pêche, l’Institut de Recherche de Linguistique Appliquée…
Un projet dont l’issue est incertaine ?
Il est préoccupant de constater que la commission n’ait pas examiné tous les EPA, mais l’évolution de la situation suggère que ce projet pourrait être voué à l’échec. En effet, le document est en attente à la présidence depuis plus d’un mois, et il n’y a aucune indication quant à son approbation ou son rejet. De plus, le document transmis au palais présidentiel prévoyait une phase administrative et juridique de six mois avant l’entrée en vigueur du nouveau dispositif le 1erjanvier 2025. Ce qui aurait permis de mettre à jour les cadres organiques et les attributions des départements ministériels avant celles des EPA maintenus ou créés. Sauf que les récentes décisions prises par le Palais Mohamed V ne semblent pas en adéquation avec les recommandations du rapport.
En effet, le décret publié la semaine dernière concernant les attributions et le fonctionnement des institutions d’enseignement supérieur ne tient pas compte des propositions formulées dans ledit rapport, notamment en ce qui concerne le rattachement de l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté (ISAMK) et de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia. Par ailleurs, les institutions d’enseignement supérieur (IES) changent désormais de statut, passant d’établissements publics administratifs (EPA) à établissements publics à caractère scientifique (EPS).
En outre, parallèlement au travail de rationalisation des EPA existants, de nouvelles entités sont créées. À titre d’exemple, le Conseil National de la Transition (CNT) devrait adopter, ce lundi 8 juillet 2024, la loi relative à la création, aux attributions et au fonctionnement de l’Autorité de Protection des Données à caractère personnel (APDP).
Le business des EPA est également soutenu au plus haut niveau par des cadres qui sollicitent des rétrocessions sur les subventions. Et dans ce contexte, il ne faut pas trop espérer non plus.
Après le revers dans la formation du gouvernement où il n’a pas eu carte blanche, le non-respect de la promesse de 30 % de femmes au sein du gouvernement, l’échec de ce projet serait une véritable déconvenue pour le Premier ministre.