Guinée : ces accouchements en plein examen scolaire qui préoccupent et interpellent

27 juin 2024 6 min(s) pour lire
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Le phénomène d’accouchements en plein examen scolaire est devenu récurrent en Guinée. Au cours de la session 2023-2024, de nombreux cas ont été signalés dans les médias. Des jeunes filles accouchent avant de revenir poursuivre les épreuves. Ce phénomène, bien que qualifié d’acte de bravoure, mérite une réflexion approfondie. Loin d’être un exploit ou un acte d’héroïsme, il met en évidence non seulement un manque de planification et de prévention, mais aussi une défaillance du système éducatif.

Le taux élevé de grossesses en milieu scolaire en Guinée est un problème préoccupant qui soulève plusieurs questions, notamment le manque d’éducation sexuelle, les difficultés socio-économiques qui exposent les jeunes à des situations à risque, et le poids des normes et des stéréotypes. Les conséquences sont également néfastes pour la santé, l’éducation et le bien-être des jeunes filles.

Ampleur des grossesses en milieu scolaire

Selon une étude menée en 2020 par des chercheurs, intitulée « Fréquence des grossesses en milieu scolaire et profil des adolescentes concernées à Conakry, Guinée », le taux de fécondité reste élevé chez les adolescentes et les jeunes de 15 à 24 ans, avec 146 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 19 ans et 207 pour 1 000 femmes âgées de 20 à 24 ans.

Un autre rapport plus récent, datant de février 2024, réalisé par la Coalition des Organisations de la Société Civile pour le Repositionnement de la Planification Familiale (OSC-PF) et portant sur l’analyse du phénomène des grossesses non intentionnelles (GNI) en milieu scolaire en Guinée, révèle que sur 678 élèves filles interrogées dans les ménages, 139 filles, soit 21 %, ont eu des grossesses au cours des trois dernières années (2021-2023). Parmi ces grossesses, 73 % étaient des grossesses non intentionnelles (GNI).

D’après les données recueillies, il existe une variation significative dans l’ampleur des grossesses non désirées (GNI) entre les différentes préfectures, avec une prévalence plus élevée à Kankan (83 %) et plus faible à Labé (45 %). De plus, la prévalence des GNI est plus élevée en milieu rural (84 %) qu’en milieu urbain (69 %). En ce qui concerne le niveau scolaire, l’ampleur des GNI est plus élevée au collège (77 %) qu’au lycée (66 %), mais cette différence n’est pas statistiquement significative. Enfin, il a été rapporté un cas de grossesse désirée à l’école primaire.

Selon les tranches d’âge, la proportion de grossesses non intentionnelles (GNI) parmi les cas de grossesse était plus élevée chez les élèves de 15 à 19 ans (77 %), suivie de celle de 20 à 24 ans (69 %) et de 25 à 26 ans (67 %).

Le rapport sur les « Fréquences des grossesses en milieu scolaire » souligne que « l’éducation sexuelle complète était insuffisante dans les programmes d’enseignement pour les jeunes et les adolescents qui sont en milieu scolaire ». En outre, « l’offre des services de planification familiale était également inadaptée pour les jeunes qui étaient très peu impliqués dans l’élaboration des politiques, des normes et des protocoles les concernant directement ».

En ce qui concerne l’étude menée par la Coalition des Organisations de la Société Civile, elle identifie également des facteurs tels que le manque de connaissances sur les pratiques sexuelles à risque de grossesse (caractère tabou de la sexualité et absence d’enseignement sur les pratiques sexuelles à risque de grossesse tout au long du cursus scolaire), le défaut d’utilisation des méthodes contraceptives, les enjeux technologiques et le manque de suivi parental. Le rapport de domination est également souligné comme l’un des principaux facteurs. En effet, 6 % des élèves filles sexuellement actives ont déclaré avoir eu au moins un rapport sexuel contre de l’argent, 4 % ont déclaré avoir eu au moins un rapport sexuel avec une personnalité de leur école et 9 % des élèves interrogées ont affirmé être mariées ou vivre maritalement dans un foyer. Pendant ce temps, 77 % des élèves mariées étaient ou avaient déjà été enceintes de leurs maris.

Laisser les candidates accoucher et revenir dans la salle d’examen est un grand risque

Dans la journée du mardi 25 juin 2024 à Conakry, une candidate au baccalauréat qui venait d’accoucher a eu du mal à poursuivre les épreuves à cause d’un « fort vertige » alors qu’elle tentait de forcer la situation, rapporte le site d’information www.guineematin.com sur sa page Facebook.

Les grossesses en milieu scolaire ont des conséquences graves sur la santé des jeunes filles, qui sont plus susceptibles de subir des complications pendant la grossesse et l’accouchement. De plus, permettre aux candidates qui ont accouché de revenir en classe immédiatement présente un risque important.

Il est essentiel de se reposer après un accouchement, que ce soit par voie basse ou par césarienne, selon les spécialistes. Tout d’abord, le corps a subi un traumatisme important : l’utérus a dû se contracter pour expulser le bébé, et le périnée a pu être déchiré ou coupé. Ces organes ont besoin de temps pour guérir. En outre, la grossesse et l’accouchement sont physiquement et émotionnellement épuisants. Le corps a besoin de repos pour se reconstituer et s’adapter aux changements hormonaux.

Dans le cadre du suivi maternel post-partum de routine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande également que « toutes les femmes en post-partum devraient avoir un examen régulier de routine du saignement vaginal, des contractions utérines, de la hauteur utérine, de la température et de la fréquence cardiaque pendant les premières 24 heures à compter de la première heure après la naissance ». La tension artérielle devrait être également mesurée peu de temps après la naissance. « Si elle est normale, la deuxième mesure de pression artérielle devrait être prise dans les six heures suivantes. »

Conformément aux recommandations de l’OMS également sur les soins intrapartum pour une expérience positive de l’accouchement, en cas de naissance sans complications dans un établissement de santé, les mères en bonne santé et leur nouveau-né devraient recevoir des soins dans l’établissement pendant au moins 24 heures après la naissance.

Pire, l’hémorragie du post-partum (HPP) est une complication obstétricale grave définie par une perte de sang supérieure à 500 ml dans les 24 heures suivant l’accouchement. Elle constitue la principale cause de mortalité maternelle dans le monde, touchant environ 14 millions de femmes chaque année et entraînant environ 70 000 décès, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cela représente un décès toutes les 6 minutes.

Cette question devrait attirer l’attention des parties prenantes du système éducatif guinéen. Il est nécessaire d’y réfléchir en mettant en œuvre des mesures concrètes pour lutter contre ce phénomène, notamment en renforçant l’éducation sexuelle et l’accès à la contraception dans les établissements scolaires, en luttant contre les inégalités sociales et en favorisant l’émancipation des jeunes, en particulier des jeunes filles.

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