Le colonel Mamadi Doumbouya élevé au grade de Général : une entorse à la loi ?

24 janvier 2024 4 min(s) pour lire
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En Guinée, le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya a été élevé mardi 23 janvier 2024, au grade de Général de corps d’armée. C’était au cours d’une cérémonie d’échanges de vœux avec les Commandants de toutes les unités du pays.

Au-delà de l’opportunité d’un tel avancement en grade et les interrogations qu’il suscite, il y a lieu également de voir la légalité de l’acte.

D’abord, la publication sur les pages Facebook et X (Twitter) de la présidence de la République indique qu’il s’agit d’une reconnaissance de ses frères d’armes du Groupement des Forces Spéciales (GFS). Ces derniers auraient en effet décidé d’élever leur désormais ancien Commandant « à la dignité de Général de Corps d’Armée à titre exceptionnel ». Une grosse erreur qui a été très vite corrigée la nuit à travers un décret lu par le ministre de la Défense nationale, Aboubacar Sidiki Camara.

En effet, selon l’article 100 de la Loi L/2019/0041/AN du 4 juillet 2019 portant Statut Général des militaires en Guinée, la nomination d’un officier dans un grade de la hiérarchie militaire est prononcée par décret du Président de la République. C’était donc incompréhensible qu’un groupe de militaires décide d’élever un officier au grade supérieur.

En dépit de la rectification de cette « bourde », des guinéens s’interrogent encore. Ils se demandent comment du grade de colonel, l’ancien caporal de la légion française est passé directement à celui de Général de Corps d’Armée ? Cet avancement obéit-il au règlement militaire ?

Pour tenter de répondre a cette dernière question, nous avons fouillé la loi portant Statut général des militaires en Guinée. Selon l’article 102 de cette loi, « l’avancement [en grade] se fait au mérite et sanctionne l’aptitude à remplir les fonctions du grade supérieur. »

L’alinéa 3 de cet article précise en outre que l’avancement en grade au sein des forces armées guinéennes se fait selon deux modes : l’avancement au choix et l’avancement à titre exceptionnel.

Avancement au choix : il s’agit d’un mode d’avancement à titre normal qui tient compte de l’ancienneté, des diplômes, des aptitudes intellectuelles, physiques, morales et professionnelles au grade supérieur.

Avancement à titre exceptionnel : il se fonde sur les faits d’éclat ou les services exceptionnels rendus à la nation au cours des conflits armés, de graves crises ou de situations spéciales d’intérêt national.

Ce mode qui est avancé pour justifier l’avancement en grade du président de la transition. Sauf qu’à ma connaissance, il n’y a eu aucun fait d’éclat ou exceptionnel pouvant permettre à l’ancien légionnaire français de se distinguer et bénéficier d’un avancement en grade et surtout à une telle vitesse.

Que dire également de la date ! L’article 106 stipule que « la date d’avancement des militaires aux grades supérieurs dans les forces armées guinéennes est fixée au 1er novembre de chaque année à l’exception des sortants des écoles de formation. »

Pour rappel, Mamadi Doumbouya a quitté la légion étrangère de France en 2009, à la fin de son contrat avec le grade de caporal. Il revient en Guinée en 2012 et devient en 2018 le Commandant du Groupement des Forces Spéciales (GFS), une unité d’élite de l’armée spécialisée dans la lutte contre le terrorisme. En 2019, il devient lieutenant-colonel puis colonel en 2020. Une accession fulgurante alors que certains qui ont intégré l’armée guinéenne avant lui sont toujours à un grade inférieur.

Finalement, on se demande si c’est cela la REFONDATION promise.

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