Guinée : 9 choses à savoir sur la délégation spéciale

28 mars 2024 8 min(s) pour lire
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En Guinée, depuis l’avènement des militaires au pouvoir, le 5 septembre 2021, plusieurs conseils communaux (urbains et ruraux) ont été dissous pour des faits présumés de « mauvaise gestion et détournement des ressources de la collectivité. » Et dans un décret lu mercredi 27 mars 2024 à la télévision nationale, le président de la Transition a dissous l’ensemble des Conseils communaux.

C’était l’une des annonces phares de son adresse à la nation à l’occasion du nouvel an 2024, le Général Mamadi Doumbouya passe finalement à l’action. Le décret diffusé sur les médias d’Etat annonce la dissolution des Conseils communaux dans tout le pays et la mise en place [très prochainement] des Délégations spéciales. Mais en attendant, ce sont les   secrétaires généraux des communes qui assurent l’intérim.

L’acte du pouvoir central précise également qu’aucun membre d’une Délégation Spéciale ne peut être candidat lors des prochaines élections communales. Mais dans quelles conditions un conseil communal est dissout ? Comment la délégation spéciale est mise en place et comment elle fonctionne ? L’interdiction pour ses membres d’être candidats aux prochaines élections communales est-elle légale ? Autant de questions que nous tentons de répondre en 9 points. Nous nous basons sur les dispositions du Code des Collectivités Locales révisé.

Voici donc les  9 choses à savoir sur la Délégation Spéciale en Guinée :

1. Les Conseils communaux ne peuvent être dissous que pour des raisons précises

C’est le Code des Collectivités Locales qui le dit. Et il y a deux raisons pour lesquelles un conseil communal peut être dissout selon l’article 80.

Premièrement, un conseil d’une collectivité locale qui a fait l’objet de trois suspensions pour fautes graves peut être dissout par décret du Président de la République sur proposition du Ministre en charge de la décentralisation.

Deuxièmement, il faut que les tiers, au moins, des membres soient reconnus coupables de crimes ou délits, par une décision judiciaire définitive. La dissolution est alors prononcée par décret du Président de la République, sur proposition du Ministre en charge des collectivités locales.

Cependant, l’article 78 indique que le ministre en charge des collectivités peut suspendre par arrêté, un conseil communal, sur proposition du représentant de l’État, pour une durée qui ne peut excéder trois mois. A l’expiration de ce délai, le Conseil suspendu reprend ses fonctions.

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2. Pour mettre en place une Délégation spéciale, il faut également des conditions

Selon l’article 101, il faut que le conseil communal soit dissout et cette dissolution ne peut intervenir qu’en vertu de l’article 80 cité ci-dessus. 

La délégation spéciale est également mise en place si tous les membres en exercice du conseil communal démissionnent.

Enfin, une délégation spéciale est mise en place en cas d’annulation devenue définitive de l’élection de tous ses membres, ou lorsque des élections communales ne peuvent être tenues par suite de troubles graves. 

3. Les membres de la Délégation spéciale sont proposés par les représentants de l’Etat (Préfets, Sous-préfets…)

Il ne revient pas au ministre de proposer les membres de la délégation Spéciale même si c’est lui qui les nomme par arrêté. C’est du moins ce que dit l’article 102. « Les membres de la délégation spéciale sont nommés par arrêté du Ministre en charge des collectivités locales, sur proposition du représentant de l’État dans la collectivité locale concernée parmi les citoyens résidents de la localité. »

4. La Délégation spéciale est mise en place huit jours après la dissolution du Conseil

Contrairement à ce qui s’est passé par exemple pour le cas de N’zérékoré où il a fallu attendre près de trois mois après la dissolution du conseil communal pour mettre en place la délégation spéciale, la loi dit qu’il faut huit jours. L’article 102 est très précis à cet effet : les membres de la délégation spéciale sont nommés dans un délai de huit jours, « à compter de la dissolution définitive du Conseil, de l’acceptation de la démission ou de la constatation de l’impossibilité de tenir les élections, conformément aux dispositions de l’article 101. »

5. Le nombre de membres est fixé en fonction du nombre d’habitants

Au regard de l’article 103, « le nombre des membres qui composent la délégation spéciale est fixé à sept dans les communes où la population ne dépasse pas 40 000. » Toutefois, ce nombre peut être porté jusqu’à onze dans les communes d’une population supérieure. 

6. Les élections communales sont organisées six mois après la dissolution du Conseil

L’article 105 du Code des Collectivités stipule que « lorsque le conseil communal a été dissous ou que, par application de l’article 103, une délégation spéciale a été nommée, il est procédé à l’élection d’un nouveau conseil communal dans les six mois, à compter de la dissolution ou de la dernière démission, au moins que l’on ne se trouve dans les trois mois qui précèdent le renouvellement général des conseils communaux dans l’impossibilité de tenir des élections à l’expiration de ce délai. »

7. Les pouvoirs de la Délégation spéciale sont très limitées

Aujourd’hui, beaucoup de personnes veulent appartenir aux délégations spéciales sans savoir que celles-ci n’ont pas assez de marges de manœuvre. 

En effet, tel que précisé à l’article 104 du Code des Collectivités, la délégation spéciale ne peut engager des finances de la commune au-delà des ressources disponibles de l’exercice courant, sauf lorsque son mandat a débuté durant le cours d’un exercice se termine durant l’exercice suivant.

Elle ne peut ni préparer le budget de la commune, ni examiner les comptes de l’ordonnateur ou du receveur, ni modifier le personnel de la collectivité, leur affectation, leur rémunération ou leurs conditions de travail. 

8. La Délégation spéciale s’efface après la reconstitution du Conseil

Il faut que ce soit clair pour tous les membres des délégations spéciales. Leurs fonctions expirent de plein droit dès que le conseil communal est reconstitué. 

9. La loi loi a déja prévu ceux qui peuvent être éligibles ou non

L’article 90 de la section 2 du Code des Collectivités sur l’éligibilité, l’inéligibilité et les incompatibilités dispose que : « tous les citoyens résidant sur le territoire de la collectivité ou y exerçant principalement leur activité professionnelle, âgés de 21 ans révolus, jouissant pleinement de leurs droits civiques et qui ne sont pas visés par les articles 91, 92 et 93 de la présente loi », sont éligibles au Conseil communal.

Conformément à l’article 91, ceux qui se trouvent dans les cas d’inéligibilité ou d’incompatibilité sont entre autres : les individus privés du droit électoral; ceux qui sont placés sous la protection de la justice; ceux qui sont secourus par les budgets des collectivités, le budget de l’État ou les œuvres sociales; ceux qui ont fait l’objet de condamnation pour crime ou pour délit (vols, détournement de deniers publics, etc.), les étrangers non naturalisés; les conseillers déclarés démissionnaires d’office lors du mandat précédent en vertu de l’article 98 ou révoqués en vertu de l’article 77.

Les militaires et assimilés de tous grades en activité de service sont aussi inéligibles. Il en est de même pour certains cadres qui sont en exercice. Ce sont : les inspecteurs généraux d’État et leurs adjoints, les magistrats des cours et tribunaux, les préfets, les secrétaires généraux de préfecture, les sous-préfets, leurs adjoints et les fonctionnaires du ministère chargé de l’administration du territoire, les membres du personnel de la collectivité ou de la fonction publique de l’État affectés dans la collectivité, exerçant l’une des fonctions de payeur, de trésorier, de percepteur, de receveur ou d’administrateur de la collectivité, ainsi que leurs adjoints.

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