Nomination des Chefs de quartiers : une décision infondée qui cache des intentions inavouées ?
A travers le décret D/2023/179/CNRD/SGG du 09 août 2023, le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya a fixé la mission et l’organisation des quartiers et districts en République de Guinée. Selon cet acte du pouvoir central, les présidents et membres des Conseils de quartiers et de districts seront désormais nommés par les Gouverneurs. Une décision qui ne repose sur aucune base légale.
En effet, il y a une réelle contradiction entre le décret et les textes en l’occurrence la loi L/2017/N002/AN portant Code électoral révisé et la loi L/2017/040/AN portant Code révisé des collectivités locales. Pas besoin d’être sortant des facultés de droits de Harvard ou Oxford pour savoir qu’une loi ne peut être abrogée que par une autre loi, un décret par un autre décret… Mieux, dans la hiérarchie des normes, le décret se situe en dessous des lois auxquels il doit nécessairement être conforme. C’est pourtant très élémentaire.
Que dit la loi ? L’article 3 alinéa 3 du Code révisé des collectivités stipule que « les quartiers et les districts sont des sections des Communes Urbaines et des Communes Rurales. Les démembrements des districts et des quartiers sont les secteurs. » Nulle part dans ce Code il est écrit que les Conseils de districts et de quartiers sont nommés par les Gouverneurs.
L’article 6 de la section 3 sur le principe de la libre administration des Collectivités locales est aussi très précis : « la répartition des compétences entre les collectivités locales ne peut autoriser l’une d’elle à établir ou à exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d’entre elles. »
Et le Code électoral révisé en son article 99 alinéa 4 dit que « le Président du Conseil de quartier ou de district est désigné par l’entité dont la liste est arrivée en tête au scrutin Communal, dans ledit district ou quartier. » L’alinéa suivant précise que « la désignation des membres du Conseil de district ou de quartier est faite au prorata des résultats obtenus dans les districts et quartiers par les listes de candidature à l’élection communale.» C’est dire donc que cette décision est illégale et infondée.
Dans une interview accordée au site www.africaguinee.com, le ministre Mory Condé justifie la décision par le fait que les maires qui sont en fonction sont des politiques. « Si je confie la responsabilité de la nomination d’un chef de quartier à Kankan au maire, il va nommer uniquement les militants du RPG au détriment de l’UFDG, l’UFR, ainsi de suite », s’est-il justifié. Il a peut-être raison. Mais il oublie que les politiques ont aussi peur d’avoir des conseils de districts et de quartiers nommés et à la solde de l’administration.
Aujourd’hui, face à la volonté du CNRD de tout centraliser, l’on se demande s’il n’y a pas d´intentions inavouées ? Ça m’en a tout l’air. En effet, les Conseils de district et de quartier jouent un grand rôle dans le processus électoral : de l’enrôlement des électeurs à l’affichage des listes, la gestion du matériel électoral au déroulement du scrutin… ils sont impliqués. Il faut aussi rappeler que dans un décret publié le 30 décembre 2021, le président de la transition a transféré l’organisation des élections politiques et des référendums, ainsi que l’établissement de la mise à jour du fichier électoral au ministère de l’administration du territoire. Le département de Mory Condé est également chargé d’appuyer l’élaboration des textes législatifs et règlementaires relatifs au processus électoral. Allez-y comprendre pourquoi.