Face à la rigueur croissante des politiques migratoires occidentales, la Guinée doit anticiper

Dans un pays où la corruption, le clientélisme, le détournement de fonds publics et l’enrichissement illicite sont devenus la norme en matière de gouvernance, de nombreux Guinéens, en particulier des jeunes, estiment qu’il est désormais impossible de se construire un avenir personnel. Ces personnes fuient également la pauvreté économique d’un pays sans perspectives d’émancipation ou de prospérité. Un pays paralysé par un système de népotisme et de clientélisme, où les services publics se dégradent et où les possibilités d’ascension économique sont nulles.
En 2021, les ressortissants guinéens figuraient parmi les principaux demandeurs d’asile en Europe, se classant dans le top 5. Selon les données de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), en 2023, les Guinéens étaient également les deuxièmes demandeurs d’asile africains en France, avec 7 000 demandes. Par ailleurs, début 2024, Algassimou Baldé, l’un des bénévoles chargés de l’accueil et de l’intégration des migrants guinéens à New York (États-Unis), a estimé dans une interview accordée à Guinéenews que 5 000 à 8 000 Guinéens ont rejoint les États-Unis depuis décembre 2022. Bien que ces chiffres ne soient pas officiels, ils semblent refléter la réalité des départs observés.
Les jeunes expriment un désir ardent de quitter le pays. C’est une évidence. Alors que de nombreux pays de destination révisent actuellement leurs politiques migratoires. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a annoncé le 24 octobre 2024 une réduction significative du nombre d’immigrants au cours des deux prochaines années (2025-2027). Parallèlement, l’Union européenne a décidé de réviser « en urgence » la législation en vigueur afin d’accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés. Donald Trump, l’un des candidats à l’élection présidentielle américaine, promet quant à lui la « plus grande opération d’expulsion » de l’histoire du pays s’il est élu à la Maison-Blanche.
Les conséquences de tels scénarios pourraient avoir des répercussions désastreuses pour de nombreux pays africains, y compris le nôtre. Imaginons un instant si tous ces jeunes désireux de partir se voyaient désormais empêchés de le faire et que certains de ceux qui sont déjà à l’étranger devaient être rapatriés. Cela poserait un problème majeur notamment en termes de chômage, de pauvreté, de criminalité…
Malheureusement, il semble que nous ne soyons pas encore dans une réflexion approfondie dans notre pays. Le projet Simandou, qui est le plus grand projet minier, est au centre des discussions, mais l’accent est davantage mis sur le profit que sur le développement du capital humain. Cependant, pour que ce projet devienne un véritable moteur de croissance durable, il est essentiel d’investir massivement dans la formation de la main-d’œuvre guinéenne afin qu’elle puisse répondre aux exigences techniques du projet. Des jeunes formés et employés sont moins susceptibles de se tourner vers des activités illégales. Il est également nécessaire d’adapter les cursus en alignant les formations aux besoins réels du marché de l’emploi, en particulier dans les secteurs porteurs. Cela contribuerait à maîtriser le chômage.
Une jeunesse nombreuse sans formation et sans perspectives d’emploi est une bombe à retardement. Il convient d’y réfléchir.
Barry Pélissaré
25 octobre 2024Un sujet très intéressant et une analyse pertinente. Ça devrait vraiment être une préoccupation majeure pour nos dirigeants. Mais comment espérer les voir débouts contre cette situation alors qu’ils en sont la cause principale ? Délicat