Comment expliquer aux guinéens qu’ils sont plus heureux que les ivoiriens, sénégalais, égyptiens, turcs… ? (Opinion)
Dans le « World Happiness Report 2024« , la Guinée est classée à la 97ème place des pays les plus heureux dans le monde. Notre pays est également dans le top 10 des pays africains devançant notamment le Sénégal, le Nigéria, le Maroc, le Kenya, la Tunisie, l’Égypte, l’Éthiopie….
L’information relayée ce matin par certains médias suscite des réactions parfois vives notamment sur les réseaux sociaux. C’est normal ! Parce que les médias n’ont pas expliqué la méthodologie employée pour parvenir à ce classique.
En réalité, le classement repose en grande partie sur des ÉVALUATIONS SUBJECTIVES des participants. Autrement, il se base sur les réponses données par les personnes interrogées lorsqu’on leur demande d’évaluer leur propre vie à travers un questionnaire appelé « échelle de Cantril ». Concrètement, il est demandé aux sondés de visualiser une échelle de 0 à 10 et d’évaluer leur vie actuelle sur cette échelle. 10 étant la meilleure vie possible et 0 la pire vie possible.
Des experts des domaines de l’économie, de la psychologie et de la sociologie sont ensuite appelés à traiter les données et à proposer des évaluations basées sur six variables clés : le revenu (PIB par habitant), l’espérance de vie en bonne santé, le soutien social, la liberté de faire des choix de vie, la générosité et l’absence de corruption. Ces notes sont compilées au cours des trois dernières années par le Gallup World Poll en coopération avec le Wellbeing Research Centre de l’Université d’Oxford et le Réseau des solutions de développement durable des Nations unies.
Environ 100 000 personnes participent à ce sondage chaque année soit à peu près 1000 dans chaque pays.
Vous l’avez compris ! Environ 1000 guinéens sur 12,9 millions (estimations de 2021) ont participé au sondage. Ils ont donc donner leurs avis sur les différentes questions.
Sinon comment faire comprendre comprendre à un journaliste de la presse privée qui est à 18 mois sans salaires qu’il est heureux ? Comment dire aux habitants de Conakry, la capitale, qui n’ont ni eau ni électricité qu’il est heureux ? Comment expliquer à ce jeune au chômage depuis 5 ans et qui tente d’aller au Nicaragua qu’il est heureux ? Comment le pays peut être heureux alors qu’un peu moins de la moitié de la population (44%) vit en dessous du seuil national de pauvreté qui est estimé à 16 423 GNF/personne/jour (1,6 EUR) en 2019.
Comment être heureux alors que les indicateurs socio-économiques demeurent faibles ? La valeur de l’indice de développement de la Guinée (IDH) dans le nouveau rapport du PNUD publié le 13 mars 2024 est de 0,461 pour 2022. Ce qui place le pays dans la catégorie de faible développement humain, le classant au 181e rang sur 193 pays et territoires. Pourtant, parmi les trois dimensions fondamentales permettant d’évaluer l’IDH, il y a l’espérance de vie en bonne santé, un niveau de vie décent.
En termes de perception de la corruption également, la Guinée est 141éme sur 180 dans le dernier classement de Transparency International.
En 2023, les ressortissants de Guinée étaient cinquième demandeurs d’asile en France avec 7000 demandes introduites selon l’office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). On ne parle pas des autres pays ni même la vague en cours vers les États-Unis via le Nicaragua. Pourquoi demander l’asile ou fuir son pays quand on est heureux ?
S’il y a des heureux dans ce pays aujourd’hui, c’est le Général Mamadi Doumbouya et son clan. Parce que quelqu’un peut dérober facilement plus d’un million de dollars pour s’offrir une somptueuse villa aux États-Unis.