
Le Conseil National de la Transition (CNT) a adopté, le 31 décembre 2024, la Loi de Finances Initiale (LFI) 2025, marquée notamment par des recettes et des dépenses en hausse et une répartition budgétaire préoccupante.
Avec un budget annuel de plus de 43 000 milliards GNF, la Guinée se fixe des priorités centrées sur la défense, les infrastructures, l’énergie, l’éducation… mais soulève des interrogations quant à l’impact réel de certains investissements, surtout dans un contexte de pauvreté galopante.
Recettes en hausse, mais dépenses écrasantes
Pour 2025, les recettes totales de l’État sont estimées à 35 176 milliards GNF, marquées par une augmentation de 4 434 milliards par rapport à 2024. Ces revenus proviennent majoritairement des recettes fiscales 31 487 milliards GNF (89,5 %), suivies des autres recettes 2 253 milliards GNF (6,4 %) et des dons 1 435 milliards GNF (4 %).

Cependant, cette progression est éclipsée par des dépenses qui atteignent 43 469 milliards GNF, creusant le déficit budgétaire de 8 293 milliards GNF (environ 3,13 % du PIB nominal estimé à 264 941 milliards GNF).

Ce déséquilibre financier reflète une dépendance accrue aux emprunts intérieurs et extérieurs pour financer les projets structurants. Les coûts associés à ces emprunts sont estimés à 2 156 milliards GNF, soit une progression de 43 % par rapport à la LFR 2024. En comparaison, les intérêts et frais connexes liés aux emprunts représentent à peu près l’équivalent du budget du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique.
Des priorités affirmées, mais des défis persistants
La défense nationale bénéficie de 5 204 milliards GNF, soit près de 12 % du budget global, un montant significatif qui suscite des préoccupations. Ces dépenses, certes stratégiques, amélioreront-elles la vie des citoyens dans un pays où 44 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ? Si l’on peut se permettre une comparaison, cbudget est en outre largement supérieur à celui du Mali, qui est pourtant en guerre. En 2025, le budget alloué à la défense dans ce pays voisin est de 124 milliards FCFA (soit 1 713 milliards GNF).
Les infrastructures et travaux publics (3 176 milliards GNF) et l’énergie (4 492 milliards GNF) absorbent 17,6 % du budget total. Au niveau des infrastructures, une volonté apparente de moderniser les routes, dont la plupart sont dans un état piteux, surtout à l’intérieur du pays, est perceptible. Il faut reconnaître que des efforts ont été fournis en ce sens ces dernières années. Quant au secteur de l’énergie, l’essentiel du budget du département (3 000 milliards GNF, soit 66,82 %) est destiné à la subvention de la compagnie d’électricité (EDG). Cette part importante des ressources consacrées à la subvention limite les capacités du ministère à financer d’autres projets essentiels, comme l’expansion de l’accès à l’électricité (actuellement limitée à 44 %), l’amélioration des réseaux électriques ou la transition énergétique. Sans une réforme efficace (réduction des pertes, amélioration de la gestion, réforme des prix…), une telle subvention représente un défi majeur pour l’équilibre budgétaire. D’ailleurs, le ministre du Budget, Facinet Sylla, déclarait récemment que « le secteur de l’énergie est la principale source de préoccupation budgétaire ».

Malgré une hausse des budgets alloués aux ministères en charge de l’éducation (pré-universitaire, supérieur, technique), qui totalisent 6 098 milliards GNF, et à la santé publique (2 304 milliards GNF), ces montants restent insuffisants face aux besoins croissants et peinent à atteindre les standards internationaux.
Le budget alloué au ministère de la Santé représente 0,87 % du PIB (estimé à 264 941 milliards GNF). Ce qui est nettement inférieur aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui recommande qu’au moins 5 % du PIB soit alloué à la santé pour garantir un système performant.
L’UNESCO recommande également de consacrer 15 à 20 % du budget national ou 4 à 6 % du PIB à l’éducation. La Guinée, avec 2,30 % du PIB dédié à ce secteur, est également en deçà des standards.
Ministères sous pression : le grand écart budgétaire
Alors que certains secteurs absorbent la majeure partie des fonds, d’autres peinent à obtenir des ressources suffisantes. Le ministère de la Justice, perçu comme « la boussole de la transition », ne reçoit que 591 milliards de GNF (1,36 % du budget global). De même, des ministères clés comme ceux de la Jeunesse et des Sports (1,29 %), de l’Environnement (0,82 %), des Postes et Télécommunications (O,54 %) et de la Culture (0,51 %) sont sous-financés, malgré des augmentations par rapport à la loi de finances rectificative (LFR) 2024.

Le budget alloué au secteur des postes et télécommunications est particulièrement préoccupant. Aujourd’hui, de nombreux pays africains investissent suffisamment dans ce secteur pour impulser le développement économique, l’éducation, la santé, la gouvernance, mais aussi réduire la pauvreté et créer des emplois. À titre d’exemple, en 2025, le budget alloué au secteur des postes et télécommunications en Côte d’Ivoire s’élève à 60,78 milliards FCFA (environ 96,8 millions $), avec un accent sur la transformation numérique et l’amélioration de la connectivité.

Avec une croissance démographique rapide et des besoins sociaux pressants, ces choix budgétaires répondent-ils réellement aux aspirations des Guinéens ?