Guinée : le Syli National et les primes de la discorde

26 janvier 2024 6 min(s) pour lire
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Le 11 de départ de la Guinée contre le Sénégal, CAN 2023, 23 janvier 2024 – Credit : FFF

Les joueurs de l’équipe nationale de Guinée ont repris l’entraînement vendredi à Yamoussokoro avant de rejoindre Abidjan où ils joueront dimanche leur 8ème de finale. Jeudi, Serhou Guirassy et ses coéquipiers ont refusé de prendre part à la séance d’entraînement du jour. En cause, le non-paiement d’une prime.
 
Qualifié pour les huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023, le Syli National de Guinée affrontera la Guinée Équatoriale, dimanche 28 janvier 2023 à 17 heures, au stade Alassane Outtara d’Ebimpé. A la veille de cette rencontre capitale, une grogne a envahi le vestiaire. Les joueurs sont à couteaux tirés avec le ministère des sports.
 
Non-paiement de la prime de qualification
 
En cause : le non-paiement de la prime de qualification pour les huitièmes de finale de la CAN, fixée à 10 000 dollars par joueur. Les poulains de Kaba Diawara estiment également que le montant prévu est minime par rapport à d’autres équipes. Ils demandent une revalorisation.
 
Dans un communiqué publié vendredi, le ministère de la Jeunesse et des Sports a justifié le retard par le fait que le chef de division des Affaires financières devait se déplacer d’Abidjan pour Conakry « afin d’engager le processus de paiement des primes », après le match contre le Sénégal.

Le ministère déclare que « les primes étaient disponibles » jeudi soir et indique que « le processus ne souffre d’aucune ambiguïté ».
 
Mais au sein du staff, l’on fait savoir qu’il s’agit d’une excuse facile. Notre source fait comprendre que la Guinée s’est qualifiée bien avant le match contre le Sénégal. « Pourquoi les dispositions n’ont pas été prises avant ? » S’interroge-t-elle.
 
« Depuis, ce n’est que la nuit d’hier [jeudi 25 janvier 2024] que l’argent est arrivé à l’hôtel par l’entremise d’un cambiste, suite à la pression exercée par les joueurs », ajoute notre source.
 
Les joueurs ont refusé de toucher l’argent en exigeant une revalorisation. Ils ont tout de même décidé de reprendre l’entraînement.
 
Polémique autour du mode de paiement des primes
 
Pourquoi payer les joueurs en espèces et non par virement bancaire ? S’interrogent des guinéens qui pensent qu’il s’agit d’une porte ouverte pour la corruption.
 
Dans son communiqué publié vendredi, le ministère des sports a fait comprendre que sa proposition de payer les primes par carte bleue qui « offre la possibilité d’être payé partout », a été refusée. Et finalement, selon le document, « le paiement en cash a été retenu ».
 
Au niveau l’équipe, l’on fait savoir que le paiement par carte a été refusée à juste raison. Nous apprenons que le ministère des sports en violation du principe de l’Arrêté conjoint selon lequel les primes doivent être payées en dollars, a décidé à la veille de la CAN de passer outre le texte en décidant faire le paiement via un prestataire local (dont nous taisons volontairement le nom).
 
L’information a été communiquée à l’équipe juste avant son départ pour Abu Dhabi, lieu de préparation pour la Coupe d’Afrique des nations 2023. Compte tenu de la différence entre le taux du marché et celui de la Banque centrale et surtout à cause des frais sur chaque transaction, les joueurs refuseront cette option. Certains ont même estimé qu’il s’agissait d’un autre business à travers leurs primes. Nos sources précisent qu’il n’y a eu aucun échange au préalable entre joueurs et cadres du ministère.
 
Face à l’opposition des joueurs, les autorités auraient proposé des « cartes anonymes ». « Depuis quand vous avez vu une carte bancaire anonyme ? Dans quel monde ? » S’interroge une autre source.
 
C’est quand cette option a échoué que les responsables du ministère auraient demandé aux joueurs de fournir leurs pièces d’identité et numéros de téléphone. Ces derniers, selon nos informations, refuseront sous prétexte qu’il s’agit de leurs données personnelles.
 
Face à ce qui s’apparentait à une crise de confiance, le ministère aurait finalement décidé de payer en espèces.
 
Un ras-le-bol et une crise de confiance
 
Les histoires de primes avec la sélection nationale ne datent pas d’aujourd’hui. La situation s’est aggravée depuis l’arrivée de Lansana Bea Diallo comme ministre de la Jeunesse et des Sports.
 
Depuis le mois de mars 2023, les primes n’ont jamais été payées à temps. Les primes pour les deux premières journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026 n’ont été payées que quelques semaines après. Quant aux primes de qualification pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2023, elles ne seront payées que lors de la préparation de l’équipe en début d’année 2024 à Abu Dhabi.
 
La question de la revalorisation des primes est aussi sur la table depuis maintenant deux ans sans suite. Pour rappel, l’Arrêté conjoint actuel qui fixe les primes datent de 2019 lors de la CAN en Égypte. Le ministre avait promis de revoir mais deux ans après, rien n’a été fait.

En octobre 2023, pour éviter les problèmes, la Fédération guinéenne de football à travers le courrier N°0677 a alerté le ministre de la Jeunesse et des Sports pour que des dispositions soient prises à temps. Dans ce courrier, la Féguifoot demande expressément au ministre Bea Diallo de bien vouloir prendre des dispositions par rapport notamment à la finalisation du nouvel Arrêté conjoint sur les primes des joueurs. La fédération précise qu’elle souhaite que le nouvel Arrêté conjoint soit disponible lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026 (du 10 au 21 Novembre 2023). Donc, avant la CAN 2023. Promesse a été faite comme toujours mais en vain.
 
Aujourd’hui, il y a une sorte de ras-le-bol et de crise de confiance entre les joueurs, le staff technique et le ministère des sports. Ce climat tendu risque-t-il d’avoir des répercussions sur la performance des joueurs ? Wait and see…

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